diplômes & vitae
Je suis née avant la chute du Mur.
Quel mur ? Il m'arrive de plus en plus souvent de lire une certaine interrogation sur le visage de mon interlocuteur.
Alors que ceux de ma génération savent tous où il ou elle se trouvait quand le Mur est tombé.
Il y avait ce fameux Avant et Après.
J'ai grandi à l'ombre de ce Mur, même si c'est un peu exagéré car j'ai grandi dans un quartier assez éloigné, mais tout le monde vivait alors à l'ombre du Mur à cette époque. Comme dans le film Les ailes du désir de Wim Wenders dont le titre allemand est Le ciel au-dessus de Berlin. Et voilà, le nom est lâché.
Ce Berlin n'existe plus, même si le Berlin actuel n'est pas mal non plus. Beaucoup plus international en tout cas. Avant, il n'y avait que nous, les Berlinois, David Bowie, l'underground et parfois les gens de la famille de l'Ouest.
Oui, j'étais de ce côté-là.
Il y a encore dix, quinze ans, on me demandait toujours de quel côté je vivais. C'est de moins en moins le cas.
Sans Mur, pas de côtés.
Perso, j'ai eu un truc avec Berlin. Ou justement, je ne l'ai pas eu ce truc, avec Berlin. Je haïssais Berlin et comptais les jours pour partir enfin.
Mon bac en poche, deux semaines après, j'étais dans le Sud de la France, là où c'était exotique, ensoleillé et où on ne parlait pas allemand.
Il a fallu ma famille pour me faire revenir dans ma ville natale 21 ans après l'avoir quittée. Les enfants et mon mari espagnol l'ont adoré, adulé, ce Berlin où les vents de l'histoire soufflaient sur les chaussées détrempées par la pluie. C'est de moins en moins le cas. Mais, ce n'est pas grave.
J'avais 16 ans quand le mur est tombé et on y était tous, toute ma classe de maths, tout mon lycée, tous les lycées de mon quartier et à notre arrivée près de la porte de Brandenburg, le tout Berlin y était. Des milliers de gens sur le mur, du jamais vu. Un moment de liberté, le plus puissant qui m'ait été donné à vivre.
Je suis quand même partie en 1993.
Bordeaux, Paris, Toulouse, des années de fac merveilleuses.
Puis, le vent a recommencé à souffler et nous a poussé à voir par-dessus le bord de l'assiette (comme disent les Allemands). Il y a d'abord eu un peu le Maroc, mais surtout le Canada, de l'autre côté de l'Océan, le carrément loin, avec un autre fuseau horaire, extraordinaire. Montréal, c'était comme Berlin, grand, vert, décontracté, mais sans le mur, sans les côtés et sans l'Histoire aussi.
Et à Montréal, tout était possible.
A Montréal, en 2006, tu soulevais des montagnes avec une idée. Non, ce n'est pas qu'un cliché. Le Canada, c'est l'Amérique du Nord et là-bas, tout est possible. Avec un dollar en poche, tu finis roi du monde !
De retour sur le vieux continent, ce sera Bordeaux, puis Paris. Ah, Paris ! L'art, les musées, les expos, l'univers infini de tous les possibles. Mais pour les 25 ans de la chute du mur, on retourne vivre à Berlin, plus de vingt ans après mon départ en 1993. C'est un peu comme une boucle qui se boucle.
Le Berlin de 2014 n'est plus celui de 1989. Il parle anglais et les antiquaires font place aux Starbucks, les loyers grimpent et le prix des glaces aussi, mais c'est toujours une ville spéciale. Nous restons trois ans. Trois années intenses, au plus près du pouls de l'Europe, avant de repartir dans le Sud, à mon plus grand bonheur, car le handball nous appelle et que le MHB de Montpellier brillera bientôt, en 2018, de ses deux étoiles sur le monde du ballon rond plein de pègue.
Je n'avais jamais vécu au bord de la Méditerranée et c'est une découverte, un kiff total !
Je ne voudrais plus jamais en repartir !
A moins que le vent ne recommence à souffler...
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